Le statut social de la femme au GABON est, depuis quelques jours, l’objet de spéculations intenses.
Certaines renvoient à la volonté des tenants du pouvoir de diaboliser la société, d’autres à une volonté manifeste d’affaiblissement du genre masculin dans le but de faire vivre à tous les hommes gabonais, les « humiliations qu’ils vivent dans leurs foyers ».
Mais en réalité, il s’agit d’une simple question de droits de l’homme. Plus précisément du respect des droits de la femme, souvent bafoués dans notre pays.En effet, malgré des évolutions importantes, notamment par rapport à la scolarisation de la femme, à la succession, à la création de l’allocation de veuvage, à l’accès à la CNAMGS, ainsi qu’aux aides à la mise en place d’activités génératrices de revenus proposées par le Fonds national d’aide sociale, notre pays n’avait pas encore pris la pleine mesure des enjeux dictés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée, le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies.
Elle est entrée en vigueur en tant que traité international le 3 septembre 1981. Si notre pays a été parmi les premiers états à s’engager dans la mise en œuvre de cette convention en la signant le 17 juillet 1980 et en la ratifiant le 21 janvier 1983, les résultats de son application semblent, objectivement, mitigés. Les décisions du Conseil des Ministres du mardi 23 mars avaient, donc, pour objectifs de précipiter l’arrimage du Gabon à ses engagements internationaux, de manière à instaurer des meilleures relations au sein du couple. Il s’agit de combler le retard pris par le Gabon dans la mise en œuvre de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qu’il a librement signée en 1980.
Il nous semble nécessaire d’en présenter les dispositions les plus pertinentes dans l’espoir que l’exercice puisse aider à la clarification de l’aspect juridique du débat actuel.« Article premier : Aux fins de la présente Convention, l’expression « discrimination à l’égard des femmes » vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.
Article 2 : Les Etats parties condamnent la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et, à cette fin, s’engagent à :
a) Inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l’égalité des hommes et des femmes, si ce n’est déjà fait, et à assurer par voie de législation ou par d’autres moyens appropriés, l’application effective dudit principe;
b) Adopter des mesures législatives et d’autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l’égard des femmes;
c) Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire;
d) S’abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l’égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation;
e) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque;
f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes;
g) Abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l’égard des femmes.
Article 3 : Les Etats parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes.
Article 16 :1. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme :
a) Le même droit de contracter mariage;
b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement;
c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution;
d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;
e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits;
f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt des enfants sera la considération primordiale;
g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne les choix du nom de familles d’une profession et d’une occupation;
h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux.
2. Les fiançailles et les mariages d’enfants n’auront pas d’effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, seront prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l’inscription du mariage sur un registre officiel. ».Comme on le constate, ces dispositions datent de 1979. Le Président de la République, Chef de l’Etat, son Excellence Ali BONGO ONDIMBA et son Gouvernement, soutenus en cela par la Première Dame, Sylvia BONGO ONDIMBA n’ont, en réalité, fait que mettre en œuvre de manière plus perceptible et crédible les engagements internationaux du GABON.
Cette réforme du Code civil met, d’ailleurs, en lumière, le siège obtenu par notre pays au Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), le 13 octobre 2020.
Quant aux contestations actuelles sur les réseaux sociaux, s’agit-il d’un baroud d’honneur de certains hommes ou du présage à une résistance farouche à la future loi dans les foyers au risque de se retrouver devant les tribunaux ?
Camille LENDEME
Responsable des études et des statistiques – Au Centre d’études politiques – Secrétariat Exécutif du Parti Démocratique Gabonais (PDG).